NATIONS UNIES, MARS 2005 / PEKIN + 10, CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LA CONDITION DE LA FEMME
Kofi Annan : les femmes sont non seulement plus conscientes de leurs droits, mais elles sont également plus aptes à les exercer

"La promotion de l'égalité des sexes est de la responsabilité non seulement des femmes, mais de chacun de nous", a estimé Kofi Annan, le 28 février 2005, à l'ouverture, à New York, de la conférence internationale sur les droits des femmes, aussi appelée "Pékin dix ans après : assurer l'égalité entre les sexes, le développement et la paix". La réunion, organisée dans le cadre de la Commission de la condition de la femme, doit faire le point des engagements pris dans les forums internationaux sur les droits des femmes.

Cette réunion de suivi des engagements pris en faveur des femmes en 1995 à Pékin s'est ouverte au siège des Nations unies sur un bilan mitigé. Au cours des dix dernières années, de nombreuses lois et réformes juridiques ont en effet été adoptées et mises en œuvre et dans toutes les régions du monde des améliorations ont été enregistrées dans l'accès à l'éducation et l'accès aux soins de santé maternelle et infantile. Mais de nouveaux défis sont également apparus comme l'incidence extrême du VIH/sida sur les femmes, la féminisation de la pauvreté et le trafic des êtres humains.

A l'heure actuelle, les femmes et les fillettes sont les principales victimes du VIH/sida dans la majorité des régions. En Somalie, seulement 26% des femmes interrogées avaient entendu parler de la pandémie et 2% d'entre elles savaient comment éviter la transmission du virus. En Zambie, 11% des femmes estiment qu'une femme a le droit d'exiger de son mari l'utilisation du préservatif. La traite des êtres humains arrive au troisième rang des activités criminelles dans le monde générant 9 milliards de dollars par an. Par exemple, 90% des victimes de la traite sont des prostituées étrangères se trouvant dans les pays de la région des Balkans.

Kofi Annan définit sept champs d'action pour promouvoir l'égalité des sexes

En présence de 80 ministres et de près de 6000 représentants de la société civile, le secrétaire général des Nations unies a relevé que depuis la Conférence de Pékin, les femmes sont non seulement plus conscientes de leurs droits, mais elles sont également plus aptes à les exercer. "Au cours de cette décennie, nous avons enregistré des progrès tangibles sur plusieurs fronts, a-t-il expliqué, citant, notamment, une amélioration des taux d'espérance de vie et une baisse des taux de fécondité". Il faut donc renforcer de l'éducation des filles et la promotion de la santé reproductive. "Davantage de filles bénéficient d'un enseignement à l'école primaire, tandis que les femmes sont plus nombreuses que jamais à gagner un revenu".

1 - Le discours de Kofi Annan

2 - L'intervention de Louise Arbour

 

1 - Discours de Kofi Annan, secrétaire général des Nations unies, à l'ouverture de la Commission de la condition de la femme commémorant le dixième anniversaire de la Conférence de Pékin, le 28 février 2005, à New York.

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui parmi vous pour l'ouverture de cette session de la Commission de la condition de la femme, une réunion particulièrement importante au cours de laquelle vous procéderez à l'examen du Programme d'action de la Conférence de Pékin, 10 ans après son adoption.

Il y a 10 ans, les femmes, réunies à Pékin, ont fait un très grand pas en avant.

Le monde a, de ce fait, explicitement reconnu que l'égalité des sexes était essentielle pour le développement et la paix partout dans le monde.

Dix ans après la Conférence, les femmes sont non seulement plus conscientes de leurs droits mais aussi mieux à même de les exercer.

Au cours de cette décennie, nous avons accompli des progrès tangibles sur plusieurs fronts : l'espérance de vie et les taux de fécondité se sont améliorés; plus de filles ont accès à l'enseignement primaire et plus de femmes ont leur propre source de revenus.

Mais nous avons également vu apparaître de nouveaux problèmes. Je pense par exemple à la traite des femmes et des enfants, pratique odieuse mais de plus en plus courante, ou à la propagation terrifiante du VIH/sida parmi les femmes, en particulier les jeunes femmes.

Et pourtant, lorsque nous jetons un regard sur la décennie écoulée, une chose tranche sur toutes les autres : nous avons appris que les problèmes que rencontrent les femmes ne sont pas sans solution. Nous avons appris quelles sont les formules qui marchent et quelles sont celles qui ne marchent pas.

Si nous voulons modifier le legs historique qui explique pourquoi les femmes sont défavorisées dans la plupart des sociétés, nous devons appliquer à une échelle plus grande les leçons que nous avons apprises. Nous devons prendre des mesures spécifiques et ciblées sur un certain nombre de fronts.

Le rapport de l'Equipe du projet Objectifs du Millénaire sur l'éducation primaire et l'égalité des sexes énonce, pour ce faire, sept priorités stratégiques.

Il s'agit de sept initiatives et politiques concrètes qui peuvent être facilement mises en œuvre au cours de la décennie à venir, à une échelle suffisamment grande pour changer véritablement le cours des choses.

Premièrement. Renforcer l'accès des filles à l'enseignement secondaire comme à l'enseignement primaire. L'éducation est la solution à la plupart des problèmes que rencontrent les filles et les femmes - du mariage forcé à un âge précoce, à la vulnérabilité au VIH/sida et à d'autres maladies.

Deuxièmement. Garantir l'hygiène sexuelle et procréative et les droits en la matière. Comment pouvons-nous assurer une égalité réelle lorsqu'un demi million de femmes meurent chaque année de causes liées à la grossesse, qui sont totalement évitables ?

Troisièmement. Investir dans l'infrastructure pour réduire les contraintes qui pèsent sur le temps dont disposent les femmes et les filles. Quelles sont leurs perspectives lorsqu'elles sont obligées de consacrer plus de la moitié de la journée aux travaux domestiques, notamment la corvée d'eau, la recherche du bois de chauffage et d'autres tâches essentielles pour répondre aux besoins de leur famille ?

Quatrièmement. Garantir les droits de propriété et d'héritage des femmes et des filles. Comment les femmes peuvent-elles sortir du cercle de la pauvreté si elles n'ont pas accès à la terre et au logement ? Et sans cette sécurité, comment peuvent-elles se protéger du VIH/sida ?

Il en est de même pour la cinquième priorité, à savoir éliminer l'inégalité entre les sexes dans le domaine de l'emploi car un bon emploi est aussi le meilleur moyen de se protéger contre la traite des femmes.

Sixièmement. Augmenter le nombre de sièges occupés par des femmes dans les parlements nationaux et les administrations locales. L'égalité des chances en matière de prise de décisions n'est pas seulement un droit fondamental; c'est une condition essentielle de la bonne gouvernance.

Septièmement. Redoubler d'efforts pour combattre la violence à l'égard des filles et des femmes et, pour ce faire, indiquer la voie à suivre en montrant par exemple que, face à la violence contre les femmes et les filles, on ne doit rien tolérer et aucune excuse n'est justifiable.

Au moment où vous allez réaffirmer votre engagement en faveur de la mise en œuvre intégrale du Programme d'action de Pékin, j'espère que vous considérerez ces sept priorités comme des repères qui pourront aider à formuler les programmes nationaux.

Je voudrais surtout engager la communauté internationale dans son ensemble à ne pas oublier que la promotion de l'égalité des sexes n'est pas la responsabilité des femmes seulement; c'est notre responsabilité à tous.

Soixante années se sont écoulées depuis que les fondateurs de l'Organisation des Nations unies ont inscrit à la première page de la Charte l'égalité des droits entre femmes et hommes.

Depuis lors, les études successives nous ont montré que le développement passait impérativement par l'autonomisation des femmes.

Aucune autre politique ne peut davantage accroître la productivité économique ou réduire la mortalité maternelle et infantile.

Aucune autre politique ne peut aussi sûrement améliorer la nutrition et promouvoir la santé, y compris la prévention de la propagation du VIH/sida.

Aucune autre politique n'est aussi puissante pour améliorer les chances à l'éducation de la prochaine génération.

Et je me risquerai également à dire qu'aucune politique n'est plus importante pour prévenir les conflits ou pour assurer la réconciliation après un conflit.

Mais, quels que soient les véritables avantages qu'il y a à investir dans les femmes, le fait le plus important demeure, à savoir que les femmes en elles-mêmes ont le droit de vivre dans la dignité, à l'abri du besoin et de la peur.

Lorsque les dirigeants de la planète se retrouveront ici en septembre pour examiner les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Déclaration du Millénaire, j'ose espérer qu'ils prendront les mesures qui s'imposent.

Et j'espère que vous poursuivrez tous le combat, pour la bonne cause, et les orienterez dans la bonne direction.

Je vous remercie tous pour votre engagement et souhaite que votre session soit des plus productives.

 

2 - La communauté internationale doit réaffirmer son engagement en faveur des droits des femmes, déclare Louise Arbour

En dépit des objectifs fixés à Pékin et lors du Sommet du Millénaire, les droits des femmes ne sont pas garantis de façon adéquate, a déclaré, le 3 mars 2005, devant la Commission de la femme, Louise Arbour, qui a invité les Etats membres à envoyer le message fort d'un engagement renouvelé en faveur de la promotion et de la protection des droits des femmes.

La haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a expliqué que le mouvement international des droits des femmes avait accompli des prouesses extraordinaires et avait contribué à renforcer les principes des droits de l'homme fondamentaux, tels que le respect de la diversité et de l'indivisibilité des droits. Selon elle, la réalité d'une très large violation des droits fondamentaux des femmes montre toutefois que l'application de normes et la mise en œuvre des engagements au niveau national sont faibles.

L'importance du droit à l'éducation

Louise Arbour a affirmé que la communauté internationale devait saisir la présente occasion pour adresser un message fort de son engagement renouvelé en faveur de la promotion et de la protection des droits des femmes. Le mouvement international des droits des femmes a accompli des prouesses extraordinaires tant au niveau mondial qu'au niveau national et a eu un impact significatif en matière de droits de l'homme, a-t-elle estimé. Ce mouvement a renforcé les principes des droits de l'homme fondamentaux, tels que le respect de la diversité et de l'indivisibilité des droits, a-t-elle souligné, ajoutant qu'il avait également consolidé la compréhension traditionnelle des droits de l'homme pour mieux protéger les droits des femmes, ainsi que les droits des autres groupes marginalisés.

Les femmes ne constituent pas un groupe homogène, et leurs propriétés sont différentes selon leur région, leur classe, leur origine ethnique, leur âge, leur éducation, leur statut marital. Le mouvement des droits des femmes a souhaité embrasser toutes ces différences, a-t-elle indiqué, et la réalité de la vie des femmes a exigé que l'on mette l'accent sur cette indivisibilité des droits. Inspiré par la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le mouvement a en outre mis en évidence que tout ce qui était personnel était également politique, ce qui a permis d'établir des programmes relevant de la sphère privée, a-t-elle déclaré. La violence à l'égard des femmes est un élément important lorsque l'on parle du droit des femmes, a constaté Mme Arbour.

Malgré les engagements politiques pris à Pékin et lors du Sommet du Millénaire, et l'élaboration de normes internationales, les droits des femmes ne sont pas garantis de façon adéquate, a regretté la haut commissaire aux droits de l'homme. Les Etats doivent faire en sorte que les femmes accèdent à la justice et soient informées de leurs droits, a-t-elle considéré, précisant que les lois et les systèmes judiciaires devaient renforcer la capacité des femmes à revendiquer leurs droits. Les Etats doivent faire preuve de diligence lorsqu'il s'agit par exemple d'enquêter sur des actes de violence dont sont victimes les femmes, de juger et de poursuivre les auteurs de ces actes. La réalité d'une très large violation des droits fondamentaux des femmes, a estimé Mme Arbour, montre que l'application de normes et la mise en œuvre d'engagements au niveau national sont faibles.

Il n'y a rien qui illustre de façon plus éloquente les effets désastreux de la discrimination sexuelle et des autres violations des droits des femmes que la pandémie du VIH/sida, a-t-elle observé, s'appuyant sur des statistiques faisant état d'une augmentation dans le monde du nombre des séropositives, comme en Fédération de Russie, où il est passé de 24% en 2001 à 38% en 2003. En Afrique sub-saharienne, 76% des personnes de 15 à 24 ans infectées sont des jeunes femmes. Très souvent, les femmes n'ont pas choisi le comportement à haut risque qui leur a permis d'être infectées, a indiqué Louise Arbour, mettant l'accent sur l'importance du droit à l'éducation pour que les filles et les femmes puissent réaliser leurs droits.

L'enseignement secondaire permet aux filles de prétendre à une autonomie économique susceptible de leur éviter d'être infectées, a-t-elle poursuivi, notant que sans autonomie économique, les femmes ne peuvent pas négocier des relations sexuelles sûres avec leurs maris ou leurs partenaires. Quand des époux meurent du VIH/sida, il arrive que des femmes soient exclues de leur foyer et soient ainsi exposées à la pauvreté, à la violence ou à des risques supplémentaires d'infection. L'éducation sexuelle et généralisée, a-t-elle fait remarquer, a fait ses preuves et réduit la vulnérabilité au virus, mais beaucoup de fillettes n'y ont pas accès. Le VIH/sida n'est qu'un exemple, a-t-elle dit, de l'écart qui existe entre le cadre juridique international et la réalité que connaissent les femmes. La présente session de la Commission de la condition de la femme, a-t-elle conclu, doit permettre de réaffirmer les engagements politiques très forts en faveur de l'application du Programme d'action de Pékin et du Document final de Pékin + 5.

Source : Nations unies, New York, 3 mars 2005.

http://www.droitshumains.org/Femme/conf-pekin.htm

 

 

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